Le courage managérial : cet absent qui coûte cher
- Alain Christinet

- 26 oct.
- 4 min de lecture
Introduction
Dans les organisations d’aujourd’hui, les managers sont formés, outillés, sensibilisés à la communication, à la gestion des émotions, à l’animation des équipes. Et pourtant, une réalité silencieuse mais répandue continue de faire des dégâts : le manque de courage managérial.

Il ne s’agit pas ici de jeter la pierre, mais d’observer un phénomène récurrent : trop de situations restent non traitées, trop de décisions sont repoussées, trop de comportements sont tolérés par défaut, au nom de l’harmonie ou de la prudence. Ce manque de courage, rarement nommé, entraîne pourtant des conséquences profondes sur la dynamique des équipes, la confiance dans l'encadrement, et la qualité du climat de travail.
Et si, plus que les outils, les compétences ou les processus, le véritable enjeu du management était aujourd’hui de retrouver le sens du courage ?
De quoi parle-t-on ?
Le courage managérial n’est ni une posture autoritaire, ni une forme de rigidité. Il s’agit de la capacité à poser un cadre clair, à dire ce qui doit être dit, à faire ce qui doit être fait – même quand cela est inconfortable. Il implique de savoir faire passer l’intérêt collectif avant son confort personnel, d’assumer les conséquences de ses décisions, et de rester aligné avec ses valeurs, même sous pression.
Faire preuve de courage, c’est recadrer un collaborateur qui dépasse les limites, trancher dans une situation floue, annoncer une décision impopulaire, intervenir en cas de conflit ou encore dire non à une demande injustifiée. C’est aussi savoir protéger ses équipes, assumer ses erreurs, et rester cohérent dans ses actes.
Pourquoi manque-t-il si souvent ?
Les peurs humaines universelles
Derrière le manque de courage se cache souvent la peur : peur du conflit, peur de blesser, peur de décevoir, peur d’être mal perçu. Certains managers veulent être aimés de tous, d’autres craignent les tensions ou les réactions émotionnelles. Dans tous les cas, ces peurs freinent l’action.
La fatigue décisionnelle et émotionnelle
Beaucoup de managers sont en surcharge, sollicités de toutes parts, absorbés par les urgences. Dans ce contexte, traiter une situation complexe ou conflictuelle demande une énergie qu’ils n’ont plus. La tentation est grande de différer ou de laisser couler.
La peur d’être accusé de harcèlement ou de mobbing
Un phénomène plus récent prend de l’ampleur : certains managers n’osent plus exercer pleinement leur responsabilité de peur d’être perçus comme brutaux, autoritaires ou maltraitants. Dans un climat où la sensibilité au bien-être est (légitimement) forte, une remarque, un recadrage, une décision difficile peuvent être interprétés comme une forme de mobbing. Le collaborateur concerné peut alors se plaindre à la DRH, se mettre en arrêt maladie, voire tenter d’entraîner l’équipe dans une forme de défiance. Cela installe une forme d’inhibition : mieux vaut ne rien dire que de risquer une plainte ou une tension. Mais ce silence a un prix.
Les effets délétères du manque de courage
Lorsqu’un manager évite les sujets qui fâchent, les tensions ne disparaissent pas : elles fermentent. À force de ne pas agir, il envoie un message implicite : "Je vois, mais je ne dis rien." Cela crée un sentiment d’injustice, un flou sur les rôles, et parfois une perte de légitimité.
Les équipes se démotivent, les comportements dysfonctionnels s’ancrent, les collaborateurs les plus engagés se découragent. Paradoxalement, ce que le manager voulait éviter (le conflit, la tension) finit par se produire, mais sous une forme plus larvée et plus difficile à réguler.
Le courage : une compétence qui se cultive
Bonne nouvelle : le courage n’est pas un trait de caractère inné. C’est une compétence que l’on peut développer. Cela commence par un retour à soi : quelles sont mes valeurs ? Qu’est-ce qui est juste pour moi ? Quel est le sens de mon rôle ?
Puis viennent les outils : écoute active, communication assertive, techniques de recadrage constructif, gestion des émotions. Le soutien d’un coach, d’un mentor ou d’un groupe de pairs peut aussi être précieux pour s’entraîner, partager, prendre du recul.
La culture managériale en question
Mais le courage individuel ne suffit pas. Il doit s’inscrire dans une culture organisationnelle qui le reconnaît et le valorise. Si le courage est sanctionné, ignoré ou tourné en dérision, il finit par se taire.
Les RH jouent un rôle clé : celui de soutenir les managers dans leurs démarches, de créer des cadres de sécurité psychologique, et de distinguer clairement ce qui relève d’un acte courageux de ce qui serait une dérive.
Les dirigeants, eux, doivent incarner cette posture : assumer leurs choix, soutenir leurs cadres intermédiaires, et encourager un management qui conjugue exigence et humanité.
Pour l’essentiel
Le courage managérial n’est pas un luxe ni une compétence rare. Il est une nécessité pour faire vivre un cadre collectif clair, juste et constructif.
Mais ce courage ne s’exerce pas dans le vide. Il prend tout son sens lorsqu’il s’ancre dans des valeurs fortes : l’équité dans le traitement des personnes, l’exemplarité dans la posture, et la bienveillance dans la relation.
C’est dans ce cadre-là que le manager peut, et doit, oser dire, décider, recadrer, protéger, sans craindre pour sa légitimité.
Encourager le courage, c’est aussi repenser le management comme un acte d’alignement profond, entre les besoins du collectif et l’intégrité de chacun.
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